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Journal collectif 8. Non-confinement et rentabilité


par D’un supermarché l’autre
le 30 mars 2020

Non-confinement et rentabilité

Jeudi 26 mars – 12h15.

Un appel d’une amie que j’ai régulièrement au téléphone depuis le début du « confinement ». Confinement, pas pour elle, elle travaille en caisse dans un supermarché d’une autre ville. Elle est en CDD jusqu’à lundi. Hier, sa voiture a lâché. Les garagistes télé-travaillent et il est impossible d’avoir une voiture en prêt, comme cela peut se faire ordinairement en cas de pannes. Nous activons les réseaux de solidarité et trouvons une voiture jusqu’à la fin du contrat. Ne pas renouveler son contrat implique pour elle, ne pas renouveler non plus ses droits Pôle emploi. Réactivation des réseaux de solidarité mais finalement mon amie me rappelle. Sa responsable est d’accord pour mettre son contrat en pause et la reprendre ensuite, après le confinement. Epuisée de gérer ces soucis techniques, même avec toute la bonne volonté des personnes solidaires autour elle accepte. Elle accepte surtout parce que sa responsable s’est engueulée publiquement avec le Directeur, devant les clients ce matin. Cette enseigne refuse la mince prime de 1000 euros à ses employés. Et ce Directeur refuse de gérer les flux en caisse pour protéger les caissières. « Métiers essentiels, mais qu’on crève à petit feu, elle me dit. Soignants, caissières… ça ne me donne pas envie de continuer. Même aujourd’hui, même demain. Ils s’en foutent. Ils disent tous que ce sont des métiers vitaux et on nous crève. Cinq arrêts parmi mes collègues ce matin, dus au coronavirus. La seule chose qui les intéresse, c’est de faire du chiffre et qu’on garde les mêmes flux au passage en caisse. » On parle du devoir de l’employeur de protéger la santé des salariés, des plaintes actuelles contre Agnès Buzyn et Edouard Philippe. Des plaintes nécessaires contre ces employeurs, de les envoyer devant les tribunaux. La dernière fois que j’ai fait quelques courses, il y a une semaine, j’ai vu une caissière avec qui j’ai l’habitude de discuter. Je ne suis pas passée à sa caisse car elle était à une caisse réservée aux personnes vulnérables. Elle-même est mère d’un bébé qui doit avoir quatre mois, environ (je calcule depuis son retour de congé maternité). J’imagine que le père est à la maison et qu’elle n’a donc pas pu bénéficier de l’autorisation d’absence pour les parents d’enfants de moins de seize ans. Dans ce supermarché, des morceaux de scotch délimitaient des espaces d’un mètre entre chaque client. Pas de plexiglass entre la caissière et nous et pas un mètre non plus. Celle qui était à la caisse à laquelle je passais s’adressait à sa collègue en voyant la file d’attente : « à deux, on n’y arrivera jamais ».

En complément, le communiqué complet des Dionysiennes en réaction au décès d’Aicha :
https://www.facebook.com/Lesdionysiennes/posts/651111369034920

Communiqué suite au décès d’Aïcha I., militante CGT de Carrefour Saint-Denis

C’est avec beaucoup de douleur et de colère que le collectif des Dionysiennes a appris la mort d’Aïcha I. des suites du Covid-19. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille, ses proches et ses collègues.
Nous saluons son combat pour les droits et la dignité des travailleuses et des travailleurs. Aïcha I. était déléguée syndicale et animatrice de sa section CGT dans le groupe Carrefour, où règne maltraitance et exploitation. Groupe Carrefour où les employé-es ont dû se mettre en droit de retrait contre la mise en danger des salarié-es, et l’absence de matériel de protection. Groupe Carrefour dont les salarié-es sont avant tout des femmes.
Les femmes sont en première ligne de cette crise dans les hôpitaux, les EHPAD, les commerces et c’est en première ligne qu’on est le moins bien protégé. Les masques manquent, les lingettes désinfectantes et les gels hydroalcooliques ne sont pas en quantité suffisantes.
C’est en première ligne qu’on demande les plus lourds efforts. 60h de travail par semaine, c’est ce qu’impose aujourd’hui le gouvernement. Que va-t-on faire des enfants ? De la peur d’aller au boulot ? D’être contaminé-es ou de contaminer à notre tour nos proches ?
Le groupe Carrefour et l’État portent la responsabilité de la mort des salarié-es, qui n’ont pas été protégé-es et qui continuent de ne pas l’être car le créneau restera toujours pour eux : « les profits avant la vie ». Ils portent la responsabilité de la mort d’Aïcha I. Nous exigeons vérité et justice pour elle et toutes les autres. Les 1000 euros de prime annoncés sont dérisoires au regard des vies qui sont eu jeu !
Dans notre département, les femmes sont les plus exploitées des exploités, les plus mal payées des mal payés. Aide-soignantes, agentes d’entretien, assistantes-maternelle, vendeuses, quand on est une femme à Saint-Denis on est avant tout une travailleuse de ces secteurs aux paies minables, aux horaires infernaux et aux statuts précaires.
Les femmes ne doivent pas payer leur crise.
Nous exigeons la protection immédiate de tou-tes les salarié-es des secteurs indispensables et le retrait de la loi sur l’état d’urgence sanitaire qui va les tuer au travail. Nous exigeons la fermeture de tous les secteurs non indispensables et l’indemnisation de tou-tes les salarié-es, intérimaires, précaires, autoentrepreneuse-eurs.. Nous exigeons des mesures pour revaloriser de manière substantielle les salaires de tous les métiers à forte composition féminine et qui sont pour la plupart des métiers indispensables à la vie de la population.
Nous appelons à soutenir la cagnotte en ligne lancée par les collègues d’Aïcha pour aider sa famille.
Nos droits, notre dignité et notre combat pour la justice ne seront jamais confinés.

Les Dionysiennes, le vendredi 27 mars

https://www.leetchi.com/c/aicha-notre-collegue-mere-soeur…

Davantage de contribution au journal collectif :
- Journal collectif 7. Brèves week-end, par Émilie Potin
- Journal collectif 9. Tendrement confiné.e.s, par Louise Vallet