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Des récits de papier aux récits 2.0





Récits de Palestine. Construire, reconstruire, résister.


par Partie 2. "We will build again"
le 19 juin 2020

RECITS DE PALESTINE. CONSTRUIRE , RECONSTRUIRE, RESISTER.

Partie 2 : We will buid again

Cultiver sous occupation

Suite du témoignage issu d’un voyage en Palestine en octobre 2019. Le contexte change à la fois très vite et très peu. Très vite car entre temps, il a été question des élections israéliennes, et Netanyahou menace d’annexer la vallée du Jourdain avec la bénédiction de Donald Trump. Le coronavirus a rendu aussi les choses très compliquées notamment économiquement pour les Palestiniens. Très peu car ces témoignages font part d’une situation très ancienne qui ne s’améliore pas et probablement de futurs témoins pourront malheureusement raconter la même chose.

Nous avons rencontré plusieurs paysans palestiniens dont les champs étaient très proches des colonies. Je reprends ici deux rencontres. La première à Wadi qana parce que Wassim et Noham ont particulièrement témoigné des agressions subies de la part des colons. La seconde à Walajah car Amir a l’interdiction totale d’accéder à son champ, classé « parc national » (une technique de vol de terres) et après la récolte, l’armée est arrivée, probablement prévenue par la colonie voisine.

La balade nord-palestinienne

Quand on arrive à Wadi qana, on est frappé par la beauté du lieu : une vallée verte, traversée par un ruisseau, composée d’orangers, de citronniers et de grenadiers dont les parfums sont très présents dans l’air. Les palestiniens viennent se promener dans cette vallée, y pique-niquer. D’autres y ont leurs terres, et récoltent oranges, citrons, grenades. Le ruisseau irrigue les terres.
La vallée est entourée de collines, sur les hauteurs desquelles on peut compter pas moins sept colonies qui continuent de s’étendre.
Wassim et Noham sont paysans et racontent les agressions qu’ils subissent régulièrement de la part des colons lorsqu’ils se rendent sur leur champ : les coups, la pollution volontaire de l’eau en déversant des produits chimiques, le lâcher de sangliers et de lièvres dans la vallée qui saccagent les récoltes, la destruction des cultures et du matériel, etc. 
Pour accéder à la vallée, il faut emprunter des petites routes rocailleuses très endommagées mais que les palestiniens n’ont pas le droit faire reconstruire, les routes se situant en zone C, sous contrôle israélien.
Wassim sort sa flûte et Noham l’accompagne au chant.

Rencontre avec l’armée

Amir et son fils cultivent des oliviers. Il leur est interdit d’accéder à leur terre qu’Israël a classé « parc national ». Au regard du droit international, c’est Israël qui est dans l’illégalité. Mais au regard d’Israël qui ne craint pas de sanction, c’est Amir et son fils qui sont dans l’illégalité, s’ils persistent à se rendre dans leur champ.
Dans l’ensemble de cette vallée, les palestiniens ont été expulsés et ont dû s’exiler dans des camps de réfugiés. Israël en a fait un lieu de loisirs pour les colons avec notamment un aquarium.
Accéder malgré tout à l’oliveraie nécessite donc des détours, ils ne peuvent y entrer par la voie principale. Il faut longer la route – qui ressemblerait en France à une départementale – passer par dessus la glissière de sécurité, et grimper la colline jusqu’en haut, jusqu’aux oliviers.
Ordinairement, un paysan qui cultive des oliviers taille ses arbres afin de les laisser respirer et que les olives puissent pousser, et aussi de manière à pouvoir grimper facilement dedans pour la récolte. Ici, c’est impossible. N’ayant pas accès à leur champ, les oliviers ne sont pas entretenus. La récolte en est d’autant plus difficile et pauvre.
Malgré tout, avec Amir, son fils et un ami à eux, nous faisons au mieux et récoltons 120 kg d’olives (ce qui est peu étant donné le nombre d’arbres).
Après la récolte, nous nous rendons au dessus du champ d’oliviers sur la route principale (nous sommes donc arrivés par le bas de la colline et repartons par le haut) et attendons le taxi collectif. La colonie est juste de l’autre côté de la route et un haut grillage de barbelé nous sépare. Le fils d’Amir et son ami s’éloignent, nous ne les voyons plus. Amir est au téléphone puis se met à cacher les olives. Nous l’interrogeons. L’armée arrive. Nous l’aidons à cacher les olives rapidement, demandons si on doit se planquer nous aussi. Non, pas la peine. La voiture de l’armée s’approche et une voix se fait entendre en hébreu dans le haut parleur. Les soldats descendent de voiture et s’approchent de nous. L’un d’eux nous interroge. De toute évidence, il ne sait pas seulement parler français, il est français. Nous ne pouvons donc pas utiliser la tactique habituelle de ne pas maîtriser très bien la langue.
Qu’est-ce que vous faîtes là ?
On se balade.
Vous êtes arrivés par où ?
Par là (accompagné d’un geste très vague désignant la route).
Nous ne sommes évidemment pas crédibles. Amir dit la vérité aux soldats qui nous laissent repartir avec la récolte à condition pour Amir « de ne pas revenir avec ces gens-là ». La récolte du lendemain est donc annulée.
Le taxi collectif arrive, nous montons. Nous ne savons pas où sont le fils d’Amir et son ami. Amir l’a au téléphone.
L’armée nous redirige vers la sortie de la route. Le chauffeur de taxi roule très lentement afin d’attendre le fils et son ami, qui se sont probablement cachés lorsqu’ils ont prévenu Amir de l’arrivée de l’armée. Le chauffeur simule un problème mécanique, vérifie sous le capot de la voiture pour gagner du temps, reprend très lentement la route. Finalement, le fils d’Amir et son ami nous rejoignent en sueur. L’adrénaline redescend. Café et thé pour tout le monde !
Difficile de savoir ce qui se serait passé si Amir, son fils et leur ami étaient venus sans présence internationale. Probablement qu’Amir aurait été arrêté.





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