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Adolescence supportable... Adolescence insupportable... comment (aider à) surmonter l’épreuve ?


par Loshouarn Anne-Véronique
le 6 juin 2022

La Protection Judiciaire de la Jeunesse, anciennement appelée « Éducation Surveillée » est née d’une volonté de proposer des réponses spécifiques à la délinquance des mineurs par rapport à celle des adultes, notamment en privilégiant les réponses éducatives, misant sur la notion d’éducabilité des adolescents.

Cette institution est donc issue de l’esprit de l’ordonnance de 1945 dont le préambule a été rédigé par le Conseil National de la Résistance au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Ce préambule stipule :
« La France n’est pas assez riche d’enfants, qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ... »

Il m’arrive d’être sollicitée pour témoigner de mon expérience professionnelle « spécialisée » dans le domaine de « l’adolescence insupportable »...

Premier problème : il est extrêmement rare que je considère d’emblée un adolescent comme insupportable. Généralement les adolescents que je rencontre quotidiennement dans mon bureau m’apparaissent sympathiques, attachants, en souffrance, tristes, distants, absents mais jamais insupportables... à quelques exceptions près !
Leur adolescence peut par contre leurs paraître insupportable !

Deuxième problème : du coup si je me situe du côté de « l’adolescence supportable » je vais me faire laminer par mes collègues.

Je vais donc essayer, au travers des spécificités du cadre dans lequel j’exerce ce métier d’éducatrice, de vous expliquer comment nous aussi éducateurs à la PJJ on surmonte cette épreuve « permanente » qu’est l’adolescence.
Quand je suis « rentrée » à la PJJ, l’affiche du concours titrait fièrement « un métier de jeune parmi les jeunes ! »
Alléchant n’est-ce pas !!!

Premièrement « la contrainte » et la situation de Fateh

Les adolescents qui viennent rencontrer un professionnel de la PJJ ont l’obligation de le faire, « le juge le leur a ordonné ! ».
L’adolescent est contraint, il n’a pas le choix.
L’éducateur non plus.
Il est parfois nécessaire d’évoquer d’emblée cette contrainte et d’en souligner le caractère commun :
« Tu es obligé de venir me voir ! » et « Moi, je suis obligée de te recevoir puisque la mesure te concernant m’a été confiée ! »
Nous avons donc en commun d’être contraints, à la différence que pour l’adolescent la contrainte est judiciaire et donc beaucoup plus forte.
Pour certains adolescents, le cadre de la contrainte est le seul cadre possible pour qu’un lien se mette en place à la condition que l’adulte se positionne dans un respect total de la personne qu’il a en face de lui et qu’il la reconnaisse dans sa singularité et son histoire.
Le lien qui doit s’initier entre l’adolescent et l’éducateur est donc un lien sous la contrainte.
Certains adolescents acceptent facilement ce cadre judiciaire, qui s’impose à eux et il est finalement assez aisé de créer du lien.
D’autres vivent douloureusement la contrainte judiciaire pour différentes raisons, ils n’ont aucune demande et nous devons cependant faire avec !
La demande ne doit pas venir non plus de l’éducateur, elle doit être portée par un tiers, qui est l’institution judiciaire.
C’est à l’éducateur d’expliquer à l’adolescent que son passage à l’acte est répréhensible, qu’il pose problème à l’institution judiciaire, qui a le devoir de protéger la société ; mais également que ce passage à l’acte inquiète l’institution judiciaire, qui a aussi le devoir « de protéger ses enfants ».
Même si aujourd’hui la Protection Judiciaire de la Jeunesse prend en charge principalement des adolescents délinquants dans le cadre de l’ordonnance de 1945, ses professionnels restent totalement préoccupés par les situations de danger dans lesquelles se trouvent ces adolescents.

Situation de Fateh

Fateh est âgé de 16 ans et demi lorsque notre service est mandaté par le Juge des Enfants pour exercer à son égard une mesure de Liberté Surveillée Préjudicielle ainsi qu’une Mesure Judiciaire d’Investigation Éducative dans le cadre pénal.
Fateh se présente seul au service lors des entretiens d’accueil.
Il adopte d’emblée une attitude déplaisante.
Il veut diriger l’entretien et maîtriser la situation.
Fateh répond aux questions a minima.
Il nie les faits qui lui sont reprochés et nous déclare ne pas comprendre le lien entre sa situation familiale et la procédure pénale.
Il est dans la toute-puissance et est venu nous dire qu’il entend le rester !

Sa mère, qui l’élève seule, se présentera également une seule fois au service dans les mêmes dispositions que son fils.
« Il dit que ce n’est pas lui donc ce n’est pas lui ! »
La Mesure Judiciaire d’Investigation Éducative se termine sans que l’adolescent ou sa mère ne nous donnent accès à quoi que ce soit, rendant inenvisageable un quelconque travail éducatif.

J’ai en charge la mesure de Liberté Surveillée Préjudicielle et je suis « contrainte » de continuer à intervenir auprès du mineur et je rame !
Les semaines passent et Fateh refuse toujours le suivi.
Puis, assez rapidement, notre service est saisi dans le cadre de l’article 12 de l’ordonnance de 45 pour une « présentation ».
Fateh est en garde à vue au Commissariat pour des faits de violences aggravées.
Il va être déféré au Parquet et il risque l’incarcération.
Une fois encore, l’adolescent nie les faits et est totalement hermétique au discours éducatif.
Le Juge de la Détention et des Libertés ordonne le placement en détention du mineur alors que tous les co-auteurs sont laissés en liberté sous Contrôle Judiciaire.
L’adolescent est incarcéré à l’EPM d’Orvault près de Nantes.
Il est sidéré et sa mère également.
Elle décide de faire appel de la décision de mandat de dépôt.
Fateh en veut beaucoup au service et à moi, car il pense qu’il est en prison uniquement parce qu’il n’a pas collaboré avec le service et il n’a pas tort !
Deux semaines plus tard, la Cour d’Appel statue et ordonne la remise en liberté de l’adolescent sous double Contrôle Judiciaire Police et PJJ avec un certain nombre d’obligations.

Dès la sortie de prison, la mère se présente au STEMO avec son fils et accepte pour la première fois d’aborder un tout petit peu l’histoire familiale.
Lors de cet entretien, la mère évoque des nouvelles convocations dans le cabinet du Juge des Enfants pour des faits de vol en réunion.
De nouveau, Fateh nie les faits.
Je questionne l’adolescent sur ce qui lui est reproché et je comprends alors qu’il s’agit d’une procédure de flagrant délit et... j’explose littéralement de rire, déclarant en larmes que cette fois-ci ça allait être plus compliqué de nier les faits !
Fateh a alors semblé prendre conscience à cet instant du caractère « risible » de sa posture.

À partir de ce moment-là, je décide de convoquer Fateh tous les mardis à la même heure.
Il est contraint par le Contrôle Judiciaire et je suis contrainte de le recevoir.
Pendant des mois je hais les mardis.
Je vais également décider de l’accompagner dans toutes ses démarches de rescolarisation puis d’insertion professionnelle.

Trois mois plus tard, Fateh est de nouveau interpellé pour des faits de menace avec arme en réunion.
Il nie les faits et est une fois de plus incarcéré.
Son co-auteur majeur les reconnaît et est remis en liberté.
Fateh sera condamné pour ces faits à une peine de deux mois d’emprisonnement ferme.

Lorsque Fateh sort de prison, je reprends avec lui le même rythme de rencontres.
Le travail sur la responsabilité est laborieux et c’est peu de le dire, mais ma présence indéfectible auprès de Fateh finit par payer.
Fateh est présent à toutes les convocations.
Nos entretiens teintés de « faux-culteries » finissent par ressembler à de vrais entretiens éducatifs.
Il me reconnaît une certaine « technicité » en matière pénale et je le félicite souvent de sa politesse et de sa bonne éducation.
Fateh me parle de son père absent, de sa petite sœur et je lui demande chaque semaine des nouvelles de ses grands-parents vieillissants et mal portants.

Fateh entame une formation pour définir son projet professionnel.
Il est assidu et ne pose aucun problème de comportement.
Il effectue des stages en entreprise et est bientôt admis dans un centre de formation professionnelle.

Fateh est majeur aujourd’hui.
À notre connaissance, il n’a recommis aucun délit.
Il a obtenu son permis de conduire et poursuit aujourd’hui sa formation en peinture.

Deuxièmement « le lien » et la situation d’Ismaël

Je ferai plusieurs fois référence au livre « Sortir de la délinquance par un travail sur le lien » de Marion Durand psychologue à la PJJ à l’EPE de Clermont-Ferrand.

Vous avez donc compris, je pense, que le lien est pour moi éducatrice à la PJJ, un préalable fondamental à la relation éducative.
Ce lien est indispensable pour aider l’adolescent, pour l’aider à sortir de la délinquance et pour aider ses parents à surmonter l’épreuve.
Je revendique même le lien à tout prix !

Dans leur grande majorité, les éducateurs de la PJJ ont débuté leur carrière professionnelle en « hébergement », où la question du lien est omniprésente.
On a tous observé attentivement un adolescent, qui arrive dans la structure en se demandant avec qui « ce lien » va s’établir et pour quelles raisons.
En Milieu ouvert, le contexte est différent. L’adolescent n’a pas le choix. L’éducateur en face de lui, lui est imposé.
C’est donc au professionnel de s’adapter à l’adolescent et de recevoir sa parole.
Marion Durant écrit :
« … pour que la rencontre ait lieu il y a un préalable incontournable, c’est la présence de deux sujets, c’est-à-dire deux personnes, qui se reconnaissent comme telles mutuellement. »
Le cadre est indispensable, d’autant que en ce qui nous concerne celui-ci est judiciaire, mais il ne doit pas prendre le pas sur le relationnel au risque de venir entraver « le lien ».
Les adolescents ont besoin de « supports d’identification », qui vont leur permettre de nouer du lien avec l’éducateur.
« Cette personne peut m’aider parce que nous avons quelque chose en commun. »
Marion Durant évoque dans son livre les pratiques des professionnels de la PJJ : « … plus qu’un Savoir ou qu’un Savoir-Faire, il existe peut-être à la PJJ, un Savoir-Être, transmis entre les professionnels dans les institutions éducatives, qui permet aux équipes de se situer, la plupart du temps dans des postures adéquates. »

Comme je l’ai déjà dit lors d’une précédente intervention sur le thème de « l’attachement », peu m’importe en fait le cadre sous-entendu le type de mesure que j’exerce, mes objectifs sont les mêmes :
créer du lien avec l’adolescent, permettre la rencontre, être dans une histoire avec lui, l’accompagner sur « son propre chemin », lui redonner confiance en l’adulte, restaurer l’estime de soi et l’accompagner vers l’autonomie.
Mon collègue Paul-Henri aurait rajouté : « Tout le reste n’est que littérature ! »
Je reconnais en l’adolescent un être singulier, avec une histoire, des envies, des souffrances, des empêchements et bien d’autres choses encore...

Je ne comprends donc pas très bien le besoin de mon administration de m’imposer comme « livre de chevet » un « référentiel mesures », mode d’emploi imbuvable de l’exercice des mesures, niant la singularité des situations.
Comme le dit Marion Durand : « Toutes ces tentatives de formalisation des pratiques tentent de transformer « l’art d’éduquer » en « techniques d’éducation », en oubliant la complexité de l’Humain. »
Pour moi ces manuels ne sont pas opérants et l’injonction de les utiliser peut revêtir un caractère totalement « mortifère ».

Je vais parfois à des spectacles avec un petit groupe d’adolescents : une décrocheuse scolaire totalement perdue, un autiste Asperger encoprétique et un pyromane obèse.
Je ne pense pas trouver dans un quelconque référentiel mesures, la notice pour créer du lien avec ces trois adolescents, qui sont pour mon administration une mesure d’aide et de réparation, un Contrôle Judiciaire et une mesure de Liberté Surveillée Préjudicielle et comment faire pour qu’ils puissent à un moment donné partager quelque chose ensemble.

On n’est jamais sûr que cela va fonctionner mais quand c’est le cas, c’est magique !
Je reconnais, revendique et accepte comme quelque chose qui s’impose à moi, que chaque individu m’apporte quelque chose et vient me révéler quelque chose de moi-même.

Situation d’Ismaël

Ismaël est un adolescent de 16 ans.
Il est le sixième enfant d’une fratrie de sept et vit au domicile parental.
Notre service a déjà été mandaté à son égard pour exercer une mesure d’aide et de réparation, ainsi que pour une évaluation dans le cadre d’une Mesure Judiciaire d’Investigation Éducative ordonnée pour les trois enfants mineurs encore présents au domicile.
Ismaël a été jugé pour des faits de violence en Chambre du Conseil, c’est-à-dire dans le cabinet du Juge des Enfants, qui a prononcé une Mise sous Protection Judiciaire, jusqu’à sa majorité.
La mère d’Ismaël a récemment subi une transplantation cardiaque.
Son père est reparti en Guinée pour un temps indéfini.
La famille est connue des services sociaux depuis de nombreuses années.
Le couple parental n’a pas du tout collaboré avec le service dans le cadre de la mesure d’investigation.
La famille est connue défavorablement des services de police.
Deux des frères d’Ismaël sont incarcérés pour des faits de violence.
Personne ne se bouscule au STEMO pour exercer la mesure !

Lorsque je rencontre l’adolescent pour la première fois, il se présente seul au service, aucun de ses deux parents ne l’a accompagné.
Ismaël nous explique que sa mère est malade et que son père est absent.
Rapidement, il nous annonce qu’il est sur le point de partir en voyage en Thaïlande avec son professeur de boxe, pour un séjour d’un mois.
L’adolescent nous déclare que ses parents sont d’accord.
Je vérifie avec lui qu’il est inscrit au lycée et qu’il a une petite idée de la date de la rentrée scolaire et je le laisse partir.

À son retour de Thaïlande, j’ai le plus grand mal à reprendre contact avec l’adolescent. Il ne répond pas aux convocations.
Finalement, Ismaël se présente au STEMO, il a arrêté l’école et ne veut plus y retourner.
Il a un projet, il veut retourner en Thaïlande et devenir boxeur professionnel.
Ismaël me parle alors de la boxe, de la Thaïlande, du camp d’entraînement et moi je pense que j’ai devant moi un adolescent de 16 ans et que la Thaïlande est pour moi synonyme de tourisme sexuel !

Cependant, je sais que si je ne l’entends pas à cet instant précis, si je ne m’intéresse pas à qui il est, à ce qui le passionne, je n’ai aucune chance de créer un jour du lien avec lui.
Ismaël est déjà en lien avec les collègues de la Prévention Spécialisée qui le soutiennent.
C’est pour cette raison que j’ai choisi de vous parler de cette situation, car ce service est aujourd’hui en péril alors même que ces éducateurs font un travail exemplaire auprès des jeunes « des quartiers », notamment auprès de ceux qui sont inscrits dans des processus de délinquance.
Je tiens à saluer aujourd’hui le travail formidable des équipes de prévention, sans lesquelles nous serions bien en peine, nous éducateurs PJJ, d’appréhender au mieux la réalité des adolescents, que nous suivons.

Je dis alors à Ismaël que j’ai besoin de réfléchir, de découvrir son « monde » et de rencontrer les personnes, qui le soutiennent.
Je me dis surtout « qui suis-je pour casser le rêve d’un adolescent ? » même si ce dernier est placé sous mandat judiciaire.
Je rencontre donc les collègues de la Prévention avec Ismaël, puis son professeur de boxe thaï.
Je m’intéresse de plus près à la boxe thaï, je regarde les vidéos sur Youtube, puis le site du camp d’entraînement à Bangkok.
Je rencontre également à son domicile la mère d’Ismaël pour discuter avec elle du projet de son fils mineur. Elle ne parle pas très bien français. Elle me dit qu’Ismaël est un homme bien et qu’il deviendra quelqu’un. Elle croit en lui et est d’accord de le laisser partir en Thaïlande.

Je décide alors, un peu contre l’avis de mes collègues, d’informer le magistrat du projet de l’adolescent et de lui demander son avis.
Le magistrat répond favorablement : « en fonction de l’obtention du visa et de la collecte de la somme d’argent nécessaire, je validerai le départ, s’il y a des points hebdomadaires avec le jeune. »

Une fois ce « feu vert » obtenu, débute alors pour Ismaël et moi un vrai parcours du combattant semé de nombreuses embûches...
Les démarches pour un visa long non touristique pour un mineur, les demandes de subvention, les billets d’avion, la banque, les assurances et j’en passe.
Petit à petit un vrai lien se tisse entre nous basé sur une confiance réciproque.
Les démarches sont laborieuses mais Ismaël rallie de plus en plus de partenaires à sa cause (le centre social, la mairie, les coordinateurs jeunesse, le Conseil Général...)
Il prend contact, expose son projet, le défend et moi je « passe » derrière, je rassure et apporte la garantie de mon institution que le projet sera mené à son terme, même si je n’en suis absolument pas sûre !!!

De nombreuses difficultés nous amènent à repousser plusieurs fois le départ...
Ismaël se décourage puis se reprend, se remotive.
Il est rattrapé par une affaire au pénal et je décide de défendre sa cause coûte que coûte dans le cabinet du juge pour que le magistrat maintienne son accord pour un départ en Thaïlande.

Enfin au bout de 10 mois de démarches effrénées, l’adolescent obtient son visa, réunit les fonds et part à Bangkok pour un séjour de trois mois.
Je l’accompagne à l’aéroport à 5h00 du matin.
Nous convenons d’échanger par mail chaque semaine.

Les échanges par mail s’avèrent impossibles car Ismaël a bloqué sa messagerie.
Je m’initie donc en catastrophe à Facebook.
Ismaël m’envoie des nouvelles régulièrement et des photos.
Il participe à quatre combats « pro » et en gagne trois.
À son retour, il sait déjà qu’il va repartir... ce qu’il fait au bout de deux semaines, car il est sélectionné pour les championnats de boxe thaï à Bangkok.
Son club a trouvé des sponsors pour financer le voyage.

J’ai essayé d’entendre la parole de cet adolescent sans jugement, de le reconnaître dans sa singularité.
J’ai accepté de le suivre sur un chemin totalement inconnu pour moi, persuadée que ce chemin se révélerait particulièrement enrichissant du fait de nos différences... ce qui a été le cas !
J’ai résisté à la pression de mes collègues sidérés pour certains de la confiance inébranlable que je manifestais à l’égard de cet adolescent.
Pour moi, comme pour Marion Durand psychologue à la PJJ, travailler le lien avec les adolescents c’est attaquer le problème de la délinquance « à la racine », c’est comprendre les causes de ces comportements pour tenter d’y apporter des réponses.
Pour cela, il nous faut à nous éducateurs à la PJJ du temps pour avancer avec ces adolescents en respectant ce qu’ils sont et espérer provoquer des modifications de leur comportement, leur permettant progressivement de « s’auto-contrôler ».





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